ARTS SCÉNIQUES ET ENGAGEMENT SOCIAL

Propos recueillis par Daniela Rojas Sarabia

Comment la récupération d’un théâtre dans l’un des bidonvilles les plus grands et dangereux d’Amérique Latine s’est transformée en la création d’un centre de formation artistique pour enfants et adolescents.


La Escuela de Teatro Musical de Petare (École de Théâtre Musical de Petare) a été fondée en 2011, dans le centre historique de Petare, à la suite de la récupération du Théâtre de Petare César Rengifo. Elle compte actuellement quatre groupes en formation continue. Parmi les domaines de formation figurent le jeu d’acteur, la danse, le chant, la voix et la diction, l’appréciation de la musique. Cette école compte 12 professeurs et 70 élèves. Natalie Rego, cofondatrice et directrice générale, a répondu à nos questions

🟡 D’où est venue l’idée d’une École de Théâtre Musicale pour enfants et adolescents de foyers modestes ?

L’École de Théâtre Musical de Petare (ETMP) est une association civile qui a débuté ses activités en 2011 au cœur de Petare, faisant partie du projet de récupération du théâtre de Petare César Rengifo. Cet espace avait besoin d’être à nouveau habité par les arts et commençait à faire partie de la vie des petareños (locaux). Nous avons commencé avec un groupe de huit enfants. Après avoir effectué de nombreuses visites dans les écoles de la zone et créé progressivement des liens avec la communauté, nous avons clôturé la première année de formation en présentant la comédie musicale «Aladin» avec une troupe de 16 enfants. Petit à petit, nous avons reçu de plus en plus d’étudiants et ajouté de nouveaux niveaux et formations.

🟡 Est-ce qu’il y a un type de sélection pour les élèves ?

Non. Au début de chaque année de formation, nous organisons uniquement un atelier de convivialité au cours duquel nous renforçons les principes essentiels de l’ETMP comme notamment la communication assertive, le respect des camarades de classe et des enseignants, la ponctualité. Après avoir terminé l’atelier sur la convivialité, nous passons à la phase de formation.

🟡 Est-ce que vous (ou la communauté) percevez un quelconque changement positif dans la communauté de Petare ?

Au cours de ces dix années dans la communauté de Petare, l’ETMP a créé un nouvel espace de formation et en même temps un centre culturel pour la communauté. Nous avons présenté plus de 95 représentations de nos spectacles, avec plus de 1000 spectateurs et plus de 500 étudiants ont participé aux cycles de formation de l’École. Nous avons joué quatre premières de comédies musicales américaines pour la première fois en espagnol. Nous avons livré plus de 7000 colla tions chaque année et 97 % de nos élèves terminent l’enseignement primaire et secondaire. L’ETMP est un espace qui propose des activités éducatives artistiques comme loisirs, ce qui, selon les statistiques, est souvent l’un des points les plus vulnérables chez les enfants et les jeunes des communautés défavorisées. Trois de nos étudiants ont suivi avec succès des cours sur les Droits de l’Homme. Les jeunes des groupes de préadolescents ont créé le «Festival des jeunes des arts du spectacle de courte durée » qui a déjà eu cinq éditions ; et au cours de l’année 2020, l’équipe de l’ETMP a réalisé plus de 60 vidéos explicatives comme matériel d’accompagnement pour les classes, plusde dix guides avec des activités à faire à la maison, quatre ateliers pour les enseignants sur la pédagogie, et 11 vidéos artistiques comme présentation finale de nos groupes en formation.

🟡 Pensez-vous que la crise et la situation actuelle ont permis l’émergence de nouvelles solidarités dans le secteur culturel de votre région ?

Oui, dans la communauté de Petare est née la Fondation pour les personnes âgées, qui a été d’un grand soutien pour l’école. Nous avons également eu à plusieurs reprises le soutien de la Fondation Bigott, du Théâtre César Rengifo de Petare et du Musée d’art populaire Bárbaro Rivas de Petare. Actuellement, nous comptons parmi nos alliés Oz Producciones, Alimenta la Solidaridad, Aprendo y emprendo et le Colony Theater à Miami.

🟡 Quel a été l’impact positif de la crise du secteur culturel sur la discipline dans laquelle vous travaillez ? Et l’impact négatif ? Quel impact sur l’ETMP ?

Je pense que l’impact positif le plus évident est la capacité d’ingéniosité et de créativité dont font preuve nos étudiants, leur désir de se créer un avenir plein de possibilités et leur recherche d’opportunités de développement professionnel et personnel. En ce qui concerne l’impact négatif, il conviendrait de parler de la migration des étu diants et de leurs familles vers d’autres pays. Au début de la pandémie, nous avons dû prendre un moment pour réfléchir et analyser les outils à notre disposition, ainsi que pour chercher de nouvelles façons de maintenir les activités avec nos élèves. Nous avons rapidement décidé que nous utiliserions toutes les formes de communication possibles, afin d’offrir différentes options aux étudiants, à leurs parents et à leurs représentants. Des cours en ligne, des guides avec des activités à faire à la maison, des courtes vidéos, des notes vocales partagées par e-mail et WhatsApp. Au cours de ce processus de création de l’art vidéo, le soutien de la famille a été essentiel, les mères, les grands-mères, les pères et les oncles sont devenus décorateurs, costumiers, stylistes et cadreurs, puisque toutes les vidéos et les audios ont été enregistrées depuis leur domicile, avec les éléments dont ils disposaient.

🟡 Quelles initiatives avez-vous prises pour rendre l’école et les spectacles accessibles ?

Après avoir commencé avec ce système d’activités à distance et de cours en ligne, nous avons travaillé à la transformation des projets finaux de chaque groupe qui allaient tous être présentés sur scène en un format numérique. C’est ainsi que nous sommes parvenus à la création de 11 œuvres d’art vidéo. Le groupe Infantil A de Our Children a présenté «Aladin et Jasmin». «Una de las mil y una noches », une version de ce classique littéraire, Infantil B a présenté «Querida Edwina Show en Pandemia», une version de cette comédie musicale. Notre groupe Pre Juvenil a présenté «North Star, sur les traces de Harriet Tubman», une création basée sur la comédie musicale «The Freedom Train» qui raconte l’histoire de Harriet Tubman, une esclave afro-américaine qui s’échappe vers le Nord pour être libre et qui aide ensuite plus de 300 esclaves à atteindre la liberté. Le groupe des jeunes a présenté «Salir Adentro», une œuvre de leur propre création qui a donné lieu à huit courtes vidéos. Au cours de ce processus de création de l’art vidéo, le soutien de la famille a été essentiel, les mères, les grands-mères, les pères et les oncles sont devenus décorateurs, costumiers, stylistes et cadreurs, puisque toutes les vidéos et les audios ont été enregistrées depuis leur domicile, avec les éléments dont ils disposaient, en étroite collaboration avec les professeurs et les réalisateurs de chaque art vidéo.

🟡 Après leur passage à l’ETMP, proposez-vous un accompagnement ou une possibilité de poursuivre dans cette discipline ?

Le montage «Salir Adentro» du groupe Juvenil a consolidé la formation de la Compañía Juvenil ETMP dans laquelle les jeunes qui ont fait partie de l’ETMP peuvent poursuivre leur formation artistique et travailler avec différents professionnels qui font partie de l’équipe de l’ETMP et des artistes invités.

🟡 Une “success story“ signée l’ETMP

Ces deux dernières années, l’ETMP a travaillé à la création d’alliances qui nous permettent de soutenir économiquement nos étudiants qui passent du lycée à l’université avec des bourses pour ceux qui ont montré un grand engagement dans leur éducation. Actuellement, quatrede nos étudiants étudient à l’Universidad Católica Andrés Bello et un au High Training Educational Institute de Caracas. Dans le domaine artistique, plusieurs de nos élèves ont participé à des productions professionnelles, parmi lesquelles Germán Artigas dans «Simón el Luna», Marcela Jabes dans «Agosto, Osage County» et «The Bridge of San Luis Rey» et plus récemment Cristofer Granado dans la production vénézuélienne de la comédie musicale «Les Misérables“ » En outre, les jeunes de l’École sont les créateurs du Festival Juvenil de Artes Escénicas Breve qui compte cinq éditions à Caracas et une à Margarita.

ampersan Amérique art and pandemia art et pandémie arte y pandemia Asuncion Barranquilla Caraibes Caraïbes cine cinema cultural rights culture derechos culturales direitos culturais droits culturel indigene industria musical latine Marcelo Munhoz nicolas mateus écologie

5/5

Articles Similaires

ÉDITION PLURILINGUE, La revue digitale d’Alliances Sonores

Accès direct aux articles

Pays

Plus d'articles

No more posts to show

Mots-clés

Voir la revue en ligne

Voir le pdf complet

Plus d'articles

GALERIE PHOTOS