Andrea est ingénieure, entrepreneure et cadre culturel. Elle est cofondatrice et directrice générale de Kingston Créative, une organisation cherchant à transformer le centre-ville de Kingston, en Jamaïque. Avec son équipe, ils ont pour mission de faire de Kingston la capitale culturelle et créative des Caraïbes
🟡 Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Andrea Dempster Chung, cofondatrice et directrice exécutive de Kingston Creative, une organisation qui cherche à transformer le centre-ville de Kingston en un centre créatif d’importance pour la région. L’organisation existe afin de permettre aux créatifs des Caraïbes de réussir, de créer de la valeur économique et sociale, d’accéder aux marchés mondiaux et d’avoir un impact positif dans leurs communautés locales.
🟡 Qu’est-ce que Kingston Creative ? Quelle est la philosophie de l’organisation ?
Kingston Creative est une organisation artistique à but non-lucratif, fondée en 2017 par trois cofondateurs, Allan Daisley, Jennifer Bailey et moi-même. Nous croyons en l’utilisation de l’Art et de la Culture comme outils de transformation sociale et économique. Nous voulons que la ville de Kingston exploite tout son patrimoine culturel et créatif, pas seulement en apparence ou par une reconnaissance de L’UNESCO, mais que cela devienne une réalité pour tous ceux qui y vivent. Au cours des quatre dernières années, Kingston Creative et son équipe de 100 bénévoles ont créé un mouvement visant à transformer la ville et la vie des créatifs locaux. Afin de créer un écosystème créatif sain, nous avons organisé des évènements artistiques publics qui ont attiré des milliers de visiteurs et cela a créé de l’activité économique dans le centre-ville.
Nous avons également ouvert la boutique, Artisan Collective Store, ainsi qu’un espace de coworking et un studio numérique appelé « Kingston Creative Hub ». Pendant la pandémie de Covid-19, Kingston Creative a distribué 47 millions de dollars jamaïcains en subventions aux créatifs de 25 pays des Caraïbes, a fabriqué des masques pour les communautés et a offert une formation numérique gratuite pour aider les créatifs à utiliser la technologie pour s’adapter.
🟡 Quelle est votre opinion sur le mouvement des droits culturels en Jamaïque ? En tant que femme, pensez-vous que l’accès à la culture est égal pour les femmes et les hommes ?
Il est important non seulement de préserver notre patrimoine, mais aussi de protéger les personnes qui créent la culture au jour le jour. Les groupes indigènes comme les Maroons et les Rastafaris jouent un rôle important dans notre identité jamaïcaine. L’accès à la culture est plutôt bon dans notre pays, et plusieurs de nos icônes culturelles, musiciens, danseurs, écrivains, conteurs, artistes visuels et intellectuels respectés sont des femmes. Il y a un dicton qui dit «si vous donnez du pouvoir à une femme, vous donnez du pouvoir à une nation et cela se reflète dans notre culture ». Il est évident qu’au niveau international, notre plus grand produit culturel est la musique. La Jamaïque est surtout connue pour ses artistes de reggae et de dancehall, qui sont traditionnellement des hommes: Bob Marley, Jimmy Cliff, Shaggy, Sean Paul, Buju, Bounty Killer et Popcorn. Les temps changent et une nouvelle vague d’artistes féminines comme Spice, Koffee, Shenseea, Sevana, Lila Iké et d’autres, gagnent de la reconnaissance au niveau mondial.
Malheureusement, la représentation n’est pas toujours suivie du partage, du pouvoir et de l’inclusion. La prévalence de la femme comme un objet dans la musique de dancehall et d’autres espaces créatifs reste problématique. Les femmes dans les arts devraient être considérées comme des leaders, des décideurs et impulser des politiques. Il reste encore beaucoup à faire.
🟡 Une de vos missions est de faire de la culture un moteur de croissance et d’inclusion sociale à Kingston. Quel serait l’un de vos projets les plus emblématiques à ce propos ?
Notre projet le plus emblématique est celui du nouveau quartier des arts au centre-ville de Kingston. « Paint the City » est un programme d’art urbain qui a permis de réaliser plus de 65 peintures murales depuis sa création en 2018. Il s’agit d’un partenariat public-privé-associatif financé par les entreprises locales, le Comité du Tourisme et d’autres organisations. L’objectif principal du projet est de transformer le centre-ville de Kingston en un quartier artistique et une attraction touristique en utilisant des peintures murales, la culture et la technologie. C’est un projet innovant notamment dans l’utilisation de la réalité augmentée et virtuelle. Cela crée une expérience interactive pour le visiteur en présentiel et aussi pour le visiteur online. Cependant, je crois que notre « Artwalk » est le meilleur exemple de notre mission. Kingston Creative n’est pas qu’un projet, c’est aussi l’énergie où toute la communauté se réunit.
Le dernier dimanche de chaque mois, Kingston Creative organise un festival de rue en plein air. Commencé en avril 2018 , c’est un événement artistique gratuit qui met en valeur les talents artistiques et culturels de la Jamaïque. Des centaines de danseurs, musiciens, artistes visuels, poètes, écrivains ont participé engageant le public un large éventail de présentations et de performances. On peut également citer l’Artisan Collective Store sur Ocean Boulevard où les marchandises des artisans peuvent être achetées.
🟡 Comment la pandémie a-t-elle affecté le secteur créatif ?
La pandémie a été dévastatrice pour le secteur des arts dans la région. Avec l’incertitude liée à la situation sanitaire, son impact sur le tourisme et les voyages, la plupart des îles des Caraïbes étaient confinées. Cela signifie que les méthodes d’expressions artistiques normales telles que les expositions, marchés artisanaux, productions théâtrales, défilés de mode, festivals et concerts de musique en direct – ont soudainement été arrêtées et les répercussions financières sur les créatifs furent dévastatrices. Les aides gouvernementales n’ont pas forcément ciblé les travailleurs des industries culturelles et créatives et encore moins les acteurs informels et les travailleurs de soutien du secteur. En réponse, nous nous sommes associés à deux autres organisations pour traiter directement les problèmes. Le programme CATAPULT et ses 47 millions de dollars jamaïcains a fourni des aides d’urgence COVID-19 à 1 125 créateurs caribéens dans pas moins de 25 pays. Cette subvention pan-caribéenne fut le fruit d’un partenariat entre the American Friends of Kingston, Kingston Creative et Fresh Milk qui, lancée en août 2020, s’est terminée en décembre 2020.
🟡 Quel avenir pour Kingston Creative ?
Alors que la Jamaïque sort progressivement de la pandémie et cherche à trouver des moyens de diversification de son économie, nous pensons que Kingston Creative a un rôle important à jouer en aidant à la conversion des nombreux talents bruts qui sont en potentiel de croissance et dans une dynamique de développement social durable. Déjà, nous voulons préparer les créatifs à notre nouvelle ère, en les armant du savoir-faire et des compétences numériques nécessaires pour atteindre de nouveaux publics et être compétitifs à l’échelle mondiale. Par ailleurs, nous voulons nous concentrer sur l’amélioration de l’écosystème créatif en Jamaïque. Construire un cluster d’entreprises prospères, développer le quartier des arts et permettre un accès au marché pour davantage de créateurs jamaïcains, en particulier ceux des communautés marginalisées. Cela changera la donne et nous sommes vraiment ravis que la Banque Interaméricaine de Développement s’associe à nous au cours des trois prochaines années de cette grande aventure.
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