Le Musée Urbain Interactif de l’Université Tecnológico de Monterrey de Puebla

Propos recueillis par Laetitia Vigneron

Art, science et technologie pour exposer le changement climatique.


Victorino Morales Dávila est originaire de la communauté zoque dans la région de Chiapas au Mexique. Titulaire d’un doctorat en sciences sociales (Tecnológico de Monterrey), il est directeur du Musée Urbain Interactif et professeur de relations internationales de l’Escuela de Gobierno et Sciences Sociales du Campus Puebla. Ces 5 dernières années, il a développé des projets d’innovation sociale, citoyenne et en collaboration avec des contextes vulnérables. Il s’est ensuite dirigé vers la gestion culturelle pour le développement d’initiatives et de projets artistico-créatifs qui font se croiser art, science et technologie.

Le MUI est né en 2012 en tant que Musée Tecnológico de Monterrey, sous une perspective de communication stratégique de cette institution éducative du campus de Puebla. En 2018, elle a intégré l’Ecole d’Architecture, Art et Design du Tec. Depuis lors, sous un processus de réorganisation et d’identité prenant en compte la dimension humaine pour le développement des personnes grâce à l’entreprenariat et l’innovation, le musée est devenu le MUI : un espace physique et conceptuel dans lequel se développe des personnes conscientes, capables de produire un Mexique avec un futur qui se convertira en une alternative global, a travers les outils des industries créatives et les pratiques artistiques actuelles, depuis le contexte dans lequel il se trouve.

Le MUI est une initiative stratégique basée sur la vision 2030 du Tec comme un espace vital pour le développement personnel, via la construction de nouvelles interfaces entre l’académie et la société, et sous la perspective multidisciplinaire de ACT (Art, Science et Technologie).

Dans “Climate Terror. Survival Kit”, la dernière exposition du MUI, les artistes Gilberto Esparza, Ana Parrodi et Daniel Emba exposent des oeuvres dénonçant des problématiques environnementales, en collaboration avec des chercheurs du campus Puebla de l’université Tecnológico de Monterrey.

🟡 De manière générale, quel est l’objectif du musée et de ses expositions ?

Le MUI cherche à être un espace physique et conceptuel, dans lequel se développent des personnes conscientes, capables de produire un Mexique avec un futur et une alternative global, grâce aux outils propres des industries créatives et des pratiques artistiques contemporaines. Le MUI fait partie de l’École d’Architecture, Art et Design de la réunion centre sud du Tecnológico de Monterrey et s’intègre comme l’un des espaces pour le développement humain, impulsé depuis le projet national artistique du Tec, sous une perspective qui fait se croiser art, science et technologie.

La programmation se nourrit du talent de la communauté étudiante et académique, les expositions produites au MUI sont justement le résultat de l’action et la mobilisation du talent Tec dans une double logique: exposer l’œuvre avec des actions et activations éducatives et culturelles d’importance égale à celle de l’exposition. D’autre part, les processus basés sur l’intelligence collective de nos communautés intègrent l’inclusion comme valeur et pratique collaborative, de sorte que les formes de penser, d’agir et d’être, contribuent à générer de la valeur socioculturelle.

🟡 Peux-tu nous expliquer «Climate Terror. Survival Kit», la dernière exposition présentée dans vos installations ?

Le projet découle du manifeste du MUI : un Mexique avec un futur, qui reconnaît la nécessité et l’urgence de construire des personnes conscientes et responsables, qui agissent et sont capables de résilience face aux terribles effets du changement climatique, non seulement environnementaux mais également psychosociaux.

La réalisation de cette exposition obéit à l’agenda 2030, aux Objectifs de Développement Durable et au plan de durabilité et changement climatique 2025 du Tec (le Tec a pour objectif d’être décarboné en 2040), un engagement par rapport à un récit peu entendu: la terreur climatique comme cause de notre sentiment d’impotence, d’incompétence, bloqués face à une catastrophe naturelle. Le trafic, les embouteillages, l’excès de bruit et de consommation d’énergie dans les villes, l’éco-anxiété. Calmer et être conscients de cette forme d’anxiété, c’est la narrative générale de “Climate Terror”.

🟡 Quel a été l’origine de l’exposition, et son arrivée dans un musée d’art moderne ?

C’est précisément la réflexion : étendre, déplier une problématique si complexe, afin d’apprendre à y trouver des solutions. Mais aussi reconnaître la nécessité d’abandonner les discours dominants et répandus autour du changement climatique (scientifique, économique, politique, etc), et nous donner l’opportunité d’y réfléchir depuis un autre angle, que sont les conséquences psychosociales de vivre une crise climatique, et le faire depuis les pratiques artistiques qui croisent science, art et technologie.

Les technologies numériques d’aujourd’hui sont capables de lire nos émotions, exemple des rapports biométriques à partir de nos expressions faciales. Nourries de l’expression artistique et la recherche scientifique, elles offrent des possibilités d’exposition et de stratégies visuelles, des contenus immersifs et interactifs avec le terrifiant, nous rappelant notre futur proche dans lequel la crise environnementale se dessine.

🟡 Quelle différence y a-t-il entre la manière d’aborder ce problème en tant que centre d’enseignement, et non comme une entreprise ou une institution gouvernementale ?

L’entreprise peut intégrer et intérioriser une culture de durabilité, en pensant toujours à une fin lucrative et une génération de richesse matérielle à travers diverses formes de commerce, qualifiées de “vertes” ou écologiques, mais difficilement séparées d’une logique économique linéaire (extraction-production-distribution-consommation-rebut).

L’institution publique, si elle est éloignée d’un modèle de gouvernement ouvert, cherchera à mettre en œuvre le discours et le positionnement politique d’un gouvernement, dont la permanence au pouvoir réside dans le fait de capitaliser l’action publique face à la crise climatique et le transformer en triomphe électoral.

En revanche, le tableau blanc que possède un centre d’enseignement pour se déconstruire et réapprendre, avec pour but unique d’arriver à la plénitud et à l’essor humain, est la différence avec ces deux acteurs. Les centres d’enseignement sont les acteurs qui, ayant pour but ultime de résoudre la complexité du changement climatique, peuvent et doivent voir dans les pratiques artistiques et autres outils des industries créatives, la possibilité d’apporter des solutions systémiques; créer des liens et des collaborations avec les deux autres acteurs peut permettre un échange, un dialogue avec des formes innovantes et coopératives.

🟡 Quel est le public de votre exposition ? Est-elle ouverte à un secteur en particulier ?

Les problématiques sociales sont la base de nos projets muséologiques, et concernent l’être humain en tant que groupe, pas un secteur en particulier. Pour être cohérents avec notre culture institutionnelle et notre vision vaste et disruptive, nous devons reconnaître la nécessité d’arrêter de considérer nos publics comme des groupes discrets et reconnaître des groupes hétérogènes mais unis par un intérêt commun: apprendre, créer, innover et entreprendre, et chercher le bien-être.

🟡 Quelle est l’importance de faire de la vulgarisation scientifique et artistique pour canaliser la solution aux problématiques climatiques et sociales ?

C’est l’imminente nécessité de se déconstruire et de produire de la connaissance et des savoirs. L’humanité est depuis trop longtemps dans une zone de confort qui a converti la science comme le tout-puissant, obligée de trouver des solutions à tous nos problèmes. Nous avons eu tellement foi en la pensée scientifique (linéaire et déductive) qu’il ne nous reste plus rien à découvrir, expliquer ou redécouvrir.

Les mots de Neri Oxman sur la créativité et ses processus cognitifs nous font revenir à une compréhension holistique et philosophique de l’art et la science comme formes de créer depuis un seul et unique cercle: le cycle de la créativité de Krebs, dans lequel nous devons comprendre une science qui convertit l’information en connaissance. L’ingénierie technicise cette connaissance et lui ajoute de l’utilité; le design transforme cette utilité en comportements et contextes culturels et finalement l’art, qui fait sien ce contexte et le questionne comme perception du monde, provoquant à nouveau le début du cycle.

🟡 Selon vous, de quelle manière le Tecnológico de Monterrey a apporté ou participé à la résolution réelle, tangible, du problème du changement climatique ?

Depuis notre travail au MUI, je pense que le Tecnológico de Monterrey a provoqué, et j’aime penser cela de la façon dont l’aborde la Dr. Oxman, un Cinderella moment, qui produit un projet d’exposition qui est en réalité une boîte à outils pour commencer à construire des compétences pour la diminution et l’adaptation dans cette crise catastrophique. Dans ce Cinderella moment, où l’art et ses pratiques se rencontrent avec la science et ses méthodes, ils provoquent des changements dans la perception d’un problème au discours ample et différencié, qui affecte la forme de capturer des données et qui impulse le cycle créatif pour formuler des solutions innovantes.

Je dois aussi dire que nous reconnaissons dans le projet d’exposition “Climate Terror. Survival Kit” un apport et une participation assertive et fonctionnelle pour lutter contre le problème. Le défi maintenant est de construire des modèles, des initiatives et interfaces qui puissent imprégner plus d’espaces vers ce type de récits. Je vous invite à découvrir, maintenant avec un regard de “terreur climatique”, notre exposition au MUI à Puebla, Mexique.

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